Afin d’établir un diagnostic de boiterie, le vétérinaire équin va effectuer un examen locomoteur dynamique durant lequel plusieurs conditions vont être réalisées : sol dur, sol mou, ligne droite, test de flexion, cercle… Ce dernier, en donnant des informations essentielles au vétérinaire, constitue une partie fondamentale de l’examen. Cependant, les déplacements du cheval sur cercle sont complexes à analyser, et il peut être difficile de faire la différence entre une asymétrie physiologique ou pathologique.
Est-il possible de quantifier les irrégularités locomotrices du cheval en cercle ? Comment distinguer une asymétrie physiologique d’une asymétrie pathologique ?
Asymétrie physiologique ou pathologique
L’examen clinique dynamique est réalisé au trot, la symétrie de cette allure facilitant la détection et l’évaluation des anomalies. À l’aide d’un outil de quantification de la locomotion (EQUISYM), des études ont déjà démontré une légère asymétrie sur des chevaux considérés comme sains, en ligne droite au trot. Ces asymétries peuvent être considérées comme physiologiques, et sont à l’origine des variations biologiques individuelles propres à chaque cheval (Macaire et al, 2022).
Par exemple, le visuel ci-contre montre le résultat de l’examen locomoteur d’Arionea. Les courbes et indices en vert montrent les données de locomotion ligne droite sol dur, et les courbes et indices bleus les données de locomotion ligne droite sol mou. Arionea est une jument de sport de 13 ans, qui pratique régulièrement des compétitions de CSO à un niveau professionnel. Les données indiquent tout même une légère asymétrie du diagonal gauche, avec un défaut d’amplitude d’élévation du postérieur droit augmentant sensiblement sur sol mou. Arionea est en pleine forme et a une belle condition physique, cependant, les données montrent qu’il existe bien une asymétrie physiologique.
À l’évidence, cette asymétrie physiologique sera encore plus marquée sur le cercle, cette figure induisant naturellement une asymétrie de la locomotion (Rhodin et al, 2016). Lorsqu’un cheval se déplace en mouvement circulaire, la force centrifuge et l’inclinaison du tronc vers le centre conduisent à une augmentation des forces exercées sur le membre externe ; il est donc possible d’observer une descente plus marquée du garrot et de la croupe lors de l’appui sur le ce même membre.
Afin de développer encore plus les connaissances à ce sujet, une étude à été réalisée et présentée lors de l’AVEF 2022 par Claire MACAIRE, diplomée d’un master en biomécanique et bio-ingénierie, avec un objectif bien précis : décrire et quantifier l’asymétrie physiologique des mouvements dans une population de chevaux “sains” au trot en cercle sur sol dur.
Matériel et méthodes
Pour cela, des mesures ont été effectuées sur une population de chevaux considérés comme sains, sur cercle, dans des conditions réelles d’examen locomoteur. L’étude a été réalisée sur 39 chevaux “sains”, d’un âge moyen de 8.4 ans (allant de 4 à 15 ans) et de race variable – avec une majorité de Selle Français (18).
Les chevaux sains sélectionnés répondaient aux critères suivants :
- Présentés en consultation au CIRALE pour des motifs type visite d’achat.
- Sans problème au travail remarqué par le cavalier (Dyson et al, 2016) – pas de réticence au travail.
- Sans aucune gêne sur l’ensemble des conditions de l’examen locomoteur évalué par un clinicien du CIRALE – aux trois allures, sur sol dur/mou.
Les chevaux ont été équipés de 7 capteurs inertiels (EQUISYM) permettant de mesurer l’accélération (m.s-2) et la vitesse (m.s-1) afin de déterminer les déplacements verticaux (cm) de la tête, du garrot et de la croupe. Trois indices d’asymétrie – l’amplitude d’élévation, le maximum d’altitude et le minimum d’altitude – ont été calculés en pourcentage de l’amplitude maximale.
Les valeurs (moyenne ± écart-type) obtenues sur des cercles à main droite et main gauche sur sol dur ont été étudiées.
Résultats
Les résultats sont indiqués par des boxplots, ces derniers représentant 50% des chevaux. Au niveau du garrot, on observe un effet miroir entre le cercle à main droite et le cercle à main gauche.
À main droite, la descente du garrot est plus prononcée – en moyenne de 16% – lors du posé du membre externe. En revanche, l’amplitude d’élévation est quasiment symétrique – -2% en moyenne. Étant donné que le cheval démarre de plus bas mais se propulse de manière identique, le maximum d’altitude atteint sera plus bas sur le membre externe – en moyenne de -19%.
Pour la croupe, le schéma est différent, bien que l’effet miroir soit toujours observable. Le minimum constaté reste le même, puisque les chevaux monitorés descendent en moyenne le postérieur externe 16% plus bas que le postérieur interne. En revanche, le cheval compense et se propulse plus fortement sur le postérieur externe – en moyenne de 16%. Le maximum sera donc quasiment identique, avec une très légère différence de +1% pour le membre interne.
Au niveau de la tête, on observe un étalement des boxplots, donc une plus grande variabilité, et une réduction du mouvement interne. Le mouvement de la tête est diminué – en moyenne de 20% – lorsque le cheval appuie sur son antérieur interne.
Globalement, les résultats ont montré que :
-
-
- Sur cercle à main droite la descente – minimum d’altitude (Min) – du garrot sur l’antérieur interne et de la croupe sur le postérieur interne est plus faible de 16±13% et 16±11% par rapport au membre externe.
- Sur cercle à main droite – l’altitude maximale (Max) – du garrot atteinte après propulsion est plus faible de 18±11% sur l’antérieur externe, et l’amplitude d’élévation – amplitude d’élévation – de la croupe est plus faible de 16±16% pour le postérieur interne.
- Sur cercle à main gauche, des résultats identiques ont été observés, avec cependant une asymétrie physiologique moins marquée sur la région de la croupe (8±11% Min et 7±13% Amplitude).
-
CONCLUSION
L’étude réalisée confirme l’importance d’avoir des données objectives mesurant l’asymétrie physiologique induite par le cercle avant toute interprétation clinique d’un seuil pathologique. Elle permet d’établir des valeurs de référence pour des chevaux sains – ces données étant variables d’un cheval à l’autre.
Les outils de quantifications offrent de nombreuses perspectives dans l’étude de la locomotion équine. À terme, des seuils d’asymétrie pourront être établis afin de discriminer l’asymétrie physiologique chez les chevaux sains de l’asymétrie pathologique chez les chevaux boiteux.
Moyenne et écart-type des indices d’asymétrie selon la localisation (tête, garrot, croupe) à main droite et à main gauche chez 39 chevaux sains, exprimés en % de l’amplitude maximale. Une diminution du mouvement à gauche est représentée par un indice négatif.
Mots-clés: activité vétérinaire, pratique vétérinaire, outil de quantification de la locomotion, asymétrie physiologique, cercle, examen vétérinaire, études, nouvelles technologies, EnvA, CIRALE