Home 9 Locomotion 9 Diagnostic des boiteries : l’examen clinique

Les boiteries constituent un problème de santé très répandu chez les chevaux et leur diagnostic peut être un véritable défi pour le vétérinaire. L’évaluation clinique d’une boiterie est principalement basée sur la reconnaissance visuelle de mouvements asymétriques, présumés pathologiques, lorsque le cheval déplace le poids de son corps pour décharger la ou les structures douloureuses.

L’examen clinique : évaluer une boiterie

Traditionnellement, les vétérinaires réalisent une évaluation clinique méthodique sur les chevaux présentés comme boiteux. Après avoir recueilli les antécédents concernant la boiterie présentée, le vétérinaire procède à un examen approfondi du système musculo-squelettique du cheval à l’arrêt puis en mouvement. Lors de l’examen statique, ce dernier évalue visuellement la conformation et la posture du cheval, palpe et mobilise les structures musculo-squelettiques pertinentes. Il évalue ensuite la locomotion du cheval lors d’un examen dynamique au pas et au trot en main, en ligne droite mais aussi au cours d’exercices en cercle sur différentes surfaces et/ou au cours d’exercices montés. Le vétérinaire effectue également des tests de flexion des membres pour évaluer l’aggravation potentielle de la douleur, et donc de la boiterie lors de cette mobilisation forcée. Ainsi, il précise la localisation anatomique de la structure douloureuse.

Pour localiser la source anatomique de la douleur, il peut finalement procéder à des analgésies diagnostiques, en utilisant un anesthésique local pour réduire ou supprimer la douleur dans une zone spécifique du membre, puis en réévaluant le cheval pour déterminer si la boiterie a diminué. 

Les déductions issues de l’ensemble de cet examen clinique (statique et dynamique) permettent ensuite de choisir de façon éclairée différents examens complémentaires (RX, échographie, IRM, scanner…), sur une zone de prédilection, pour aboutir à un diagnostic lésionnel. C’est-à-dire établir la nature précise de la structure anatomique touchée et des anomalies visibles.

Identifier le ou les membres boiteux

L’évaluation des boiteries est généralement effectuée au pas et au trot. Le trot, étant une allure plus rapide, davantage de forces sont mises en jeu et les boiteries sont généralement plus visibles à cette allure. Cette allure symétrique est considérée comme la plus simple pour détecter les mouvements asymétriques.

Les chevaux boiteux se déplacent de manière asymétrique car ils essaient de déplacer une partie de leur poids afin de soulager la ou les structures douloureuses. L’asymétrie peut se référer à de nombreux aspects du mouvement, mais dans ce contexte, elle est utilisée pour décrire une différence de mouvement entre les deux “moitiés” d’une foulée de trot, soit une demi-foulée. Par exemple, un trot asymétrique signifie que le cheval se déplace différemment lorsqu’il utilise une paire de membres diagonaux et lorsqu’il utilise l’autre.

Quel impact la boiterie a-t-elle sur la locomotion du cheval ? 

Chez le cheval symétrique (considéré sain), les courbes de déplacements verticaux de la tête, du garrot et de la croupe représentent une sinusoïde parfaite. Les deux moitiés de foulée de trot sont donc similaires : les mouvements de descente sur un membre puis, de propulsion verticale du tronc, sont équivalents que le cheval utilise son membre droit ou son membre gauche.

Déplacement vertical du garrot au trot au cours d’une foulée, poser Antérieur Gauche (AG) en rose et poser Antérieur Droit (AD) en bleu. Courbes issues du système EQUISYM.

La boiterie entraîne une adaptation de stratégie locomotrice chez les chevaux en termes de déplacements verticaux du tronc mais aussi une modification de leur vitesse et de la synchronisation de leurs membres. Ils diminuent ainsi leur vitesse et la taille de leurs foulées.

Généralement, les chevaux boiteux s’adaptent en faisant des foulées plus courtes, mais plus rapides : ils augmentent la fréquence de leurs foulées et ainsi, en diminuent leur durée. Il en résulte une réduction de la charge du membre (impulsion verticale) par foulée. 

Lors de la foulée, la durée de la phase d’appui augmente chez les chevaux souffrant de boiterie légère à modérée, laissant le membre en contact avec le sol pendant plus longtemps. Puisque le cheval veut éviter de mettre du poids sur le membre boiteux, cela peut sembler contre-intuitif… Cependant, l’allongement de la durée de l’appui entraîne une réduction des forces verticales maximales en réduisant la vitesse de mise en charge et le pic de force.

Puisque le cheval boiteux a une durée de foulée plus courte mais une durée d’appui plus longue, il s’ensuit que la phase d’oscillation ou de soutien de la foulée est raccourcie. Les changements dans la durée de la foulée et de la phase d’oscillation sont souvent plus importants chez les chevaux boiteux des membres antérieurs que chez les chevaux souffrant de boiteries postérieures.

equisym

CONCLUSION

Généralement, les modifications des paramètres temporels de la foulée sont utiles pour comprendre la boiterie. Cependant, ils dépendent fortement du degré et du type de boiterie. En conséquence, l’observation des modifications du déplacement vertical – tête et tronc – du cheval au cours d’une foulée est la méthode la plus exploitée pour évaluer les modifications du mouvement induites par la boiterie.

L’apparition de systèmes de quantification des asymétries locomotrices, exploitant de nouvelles technologies de capteurs, permet d’aller plus loin dans ces observations visuelles en les complétant par des données chiffrées et objectives sur la locomotion du cheval. C’est notamment le cas de l’outil d’aide au diagnostic EQUISYM composé de 7 capteurs positionnés sur le cheval (Tête, Garrot, Croupe et 4 membres), communicant avec une tablette pour réaliser des mesures et des analyses de façon simplifiée et autonome. 

Découvrez la quantification des asymétries en pratique ! 

Mots-clés : asymétries locomotrices, boiteries, vétérinaires équins, diagnostic, examen clinique, EnvA, CIRALE  

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