Home 9 Locomotion 9 Locomotion du cheval en cercle : analyse et interprétation

Le cercle induit de nombreuses transformations dans la locomotion du cheval. Pourtant, cette figure est fréquemment utilisée dans le travail quotidien du cheval, mais également pour évaluer sa manière de se déplacer. Dans cet article, découvrez quels sont les principaux éléments soulevés par les études scientifiques concernant l’impact du cercle sur le système locomoteur du cheval et pourquoi et comment analyser cette figure. La dernière partie est une introduction à l’analyse des cercles avec EQUISYM, un outil de quantification de la locomotion.

Le cercle, quels impacts sur la locomotion du cheval ?

Lorsqu’un cheval se déplace en cercle, son corps s’incline et des modifications s’opèrent. Le cercle étant une figure complexe, les variations de déplacements y sont plus importantes qu’en ligne droite. Clayton et Sha (2010) ont détecté des changements dans l’orientation du tronc et la charge des membres pendant le mouvement en cercle, par rapport au mouvement en ligne droite. Lorsque la vitesse et le rayon de la courbe augmentent, l’angle d’inclinaison s’accentue également, et cela a un impact sur l’asymétrie de l’allure.

forces cheval sur cercle

Il a été constaté que l’allure (pas, trot, galop) entraîne des modifications plus importantes dans les changements que le type d’exercice (droit, circulaire). En revanche, le trot présente fréquemment des modifications moyennes plus faibles que les autres allures, ce qui suggère qu’il s’agit d’une allure plus stable sur le plan dynamique, qui pourrait permettre aux chevaux de s’adapter plus facilement aux exercices circulaires.

À cette allure (trot), les études ont démontré que les mouvements verticaux de la tête et du bassin pendant la longe étaient plus asymétriques que pendant le trot en ligne droite.

Les schémas asymétriques communs observés au niveau de la tête sont les suivants : plus de mouvement vers le haut lors de la propulsion du membre antérieur extérieur et moins de mouvement vers le bas lors de l’appui du membre intérieur. Le mouvement asymétrique le plus courant du bassin est un mouvement moins ascendant lors de la propulsion du membre postérieur extérieur et un mouvement moins descendant du bassin lors de l’appui du membre postérieur intérieur. Cependant il ne faut pas s’attendre à une symétrie parfaite entre la main droite et la main gauche.

L’observation la plus constante relative aux membres postérieurs pendant la longe est un mouvement inférieur de la croupe (PDmin) pendant la phase d’appui sur le membre postérieur interne, imitant la boiterie du membre postérieur interne, fréquemment dans les deux sens. Le plus souvent, les chevaux présentent également un mouvement ascendant moindre de la croupe après la phase d’appui sur le membre postérieur externe. (Rhodin and al. 2015)

Les scientifiques (Greve, Dyson, Hobbs) ont aussi remarqué que le niveau d’entraînement peut avoir un impact sur l’angle d’inclinaison, car un cheval entraîné et habitué à effectuer des cercles peut se déplacer plus verticalement qu’un cheval qui ne l’est pas. Ce phénomène a été particulièrement observé en dressage, où les chevaux plus âgés et entraînés sont capables de se déplacer en engageant la musculature de leur cou, de leur dos et de leurs membres postérieurs, alors qu’un cheval plus jeune n’en serait pas capable en cercle. 

Plus largement, les différentes études scientifiques ont pu apporter les éléments suivants : 

      • Des asymétries cinétiques ont été observées chez les chevaux pendant la longe (Chateau and al. 2013).
      • La variation plus importante peut s’expliquer notamment par la plus grande liberté des chevaux pour modifier leur propre vitesse, le diamètre du cercle et la direction du corps sur la longe (Hardeman and al. 2019).
      • La vitesse, le type de sol et le rayon du cercle affectent la symétrie du mouvement (Pfau and al. 2012).
      • Un angle d’inclinaison plus important à des vitesses plus élevées pourrait être à l’origine d’une plus grande poussée du membre extérieur, et donc d’une plus grande surface moyenne chargée dans le membre extérieur au galop (Hobbs and al. 2011).
      • L’inclinaison du corps peut également augmenter lorsqu’un membre antérieur boiteux se trouve à l’intérieur du cercle (Greve and al. 2016)
      • Lors des exercices en cercle, des forces verticales inégales peuvent être exercées sur les articulations et les os des membres. Cependant, il existe encore très peu d’éléments sur le lien entre la figure cercle et des potentielles lésions articulaires et osseuses (Alyssa A. Logan and al. 2021).

L’analyse des cercles : pourquoi et comment ?

a. L’analyse de la locomotion en cercle

L’analyse de la locomotion en cercle est un exercice délicat car de nombreux paramètres sont à prendre en compte. De plus, s’ajoute l’asymétrie naturelle induite par la figure qui va varier avec la taille du cercle, avec la vitesse du cheval, …ect. Il est important de noter que lorsqu’on évalue des chevaux à différents endroits et à différents moments, les conditions de mesure (c’est-à-dire l’environnement) peuvent influencer les résultats : les différentes conditions de mesure ajoutent de la variation pour un même cheval. Ainsi des  résultats mesurés sur différents chevaux dans différentes conditions seront plus variables que des résultats mesurés dans des conditions standardisées. Ces facteurs environnementaux comprennent les effets sur la position de la tête et de l’encolure du cheval (sous l’influence du manipulateur), la surface, le comportement du cheval, la taille du cercle, la vitesse et probablement l’échauffement. Ces éléments sont à prendre en compte lors de l’interprétation des données cliniques collectées durant les examens locomoteurs standardisés, comme dans les évaluations de routine des boiteries (Hardeman and al. 2019). À noter que ces variations peuvent d’ailleurs être substantielles, notamment concernant le mouvement de la tête.

Lorsque des chevaux présentant des mouvements symétriques sur une ligne droite sont soumis à une longe, les mouvements verticaux de la tête et du bassin deviennent asymétriques. Ils dépassent souvent les seuils déterminés pour le trot en ligne droite et seraient interprétés comme une boiterie. L’asymétrie dépendante du cercle doit être prise en compte lors de l’évaluation de la boiterie pendant la longe (Rhodin and al. 2015).

b. L’analyse de la boiterie en cercle

Les boiteries sont très fréquentes chez les chevaux athlètes, et constituent d’ailleurs la principale raison de l’interruption de leur carrière sportive (Keegan and al. 2007). Dans les examens cliniques de boiteries ou de visites d’achat, la figure en cercle est une condition courante. Il peut d’ailleurs y avoir de grandes différences dans la sévérité de la boiterie apparente entre le trot en ligne droite, à main gauche et à main droite (Baxter GM and al. 2011). 

Les manifestations cliniques de certains types de boiteries peuvent être exacerbées lors du déplacement en cercle. En effet, la force centripète produite par les membres intérieurs et extérieurs, ainsi que les sollicitations asymétriques sur les structures anatomiques influencent la locomotion du cheval. Cette condition est donc particulièrement intéressante pour orienter le diagnostic. Cependant, les asymétries physiologiques du mouvement du tronc dues à la trajectoire circulaire rendent l’évaluation de la boiterie plus complexe. En effet, le cheval mime un mouvement qui, en ligne droite, pourrait être considéré comme pathologique.

Dans ces circonstances, il est donc fondamental d’analyser finement le comportement cinématique du cheval sain pour éviter toute erreur d’interprétation. 

Les résultats de l’étude de Rhodin indiquent clairement que le cercle augmente l’asymétrie des mouvements verticaux de la tête et du bassin par rapport au trot en ligne droite, ce qui peut être interprété comme une boiterie. Il est important de reconnaître que la symétrie des mouvements verticaux de la tête et du tronc est réduite en cercle sur sol dur, par rapport au trot en ligne droite, pour éviter de déclarer à tort qu’un cheval est boiteux. Par conséquent, la connaissance de tout changement biomécanique systématique en fonction du mouvement circulaire est importante pour faire la distinction entre les mouvements asymétriques physiologiques causés par la trajectoire circulaire et les mouvements asymétriques dus à la douleur chez les chevaux boiteux. 

c. Des technologies pour supporter l’analyse des cercles

La variation entre les mesures étant plus importante sur le cercle qu’en ligne droite, l’utilisation d’un outil de quantification permet, non seulement d’objectiver les éléments visuels relevés pendant l’examen, mais également de comparer différents cercles entre eux pour évaluer les variations et leur impact. L’évaluation objective de la locomotion devient progressivement une procédure standard dans les cliniques équines du monde entier, car elle permet d’outrepasser certaines des limites inhérentes à l’analyse subjective de la démarche (Serra Braganca and al. 2018).  

Alors que la capacité des observateurs expérimentés à détecter les irrégularités/asymétries de la démarche est bien reconnue, l’évaluation visuelle subjective de la démarche comporte tout de même des limites. Celles-ci prennent principalement en compte le possible effet de biais cognitif et les limites de l’œil humain dans la perception de l’asymétrie (Parkes, R.S.V. and al). De plus, les méthodes d’évaluation des boiteries sont variables (Starke and al. 2021). Ces facteurs de confusion contribuent finalement à une faible répétabilité/accord entre les vétérinaires dans les évaluations subjectives de la boiterie (Keegan, K.G and al.).

La discrimination entre l’asymétrie pathologique et l’asymétrie due à des facteurs non pathologiques est essentielle pour l’interprétation clinique des résultats d’une analyse objective de la locomotion (Rhodin, M. et al.). De même, la connaissance de la variation biologique de l’asymétrie liée à la boiterie pour l’interprétation correcte de mesures répétées est une pratique courante dans les bilans locomoteurs. Les nouvelles technologies permettent de collecter des données objectives, d’analyser et comparer des examens sans limites de temps, et sans biais cognitifs.

Cependant l’utilisation de ces outils a encore quelques limites. Si le cheval trotte trop doucement, sa vitesse va avoir un effet sur l’amplitude de ses mouvements et donc, sur leurs mesures. Si le cheval change de vitesse – variations extrêmes – dans une condition, cela peut aussi fausser la vue globale des déplacements. Il est donc important d’avoir un cheval dans le mouvement en avant et le plus régulier possible. De plus, comme vu précédemment, le cercle est une figure complexe qui induit des asymétries dépendantes de plusieurs paramètres : rayon, type de sol, vitesse et entraînement du cheval, prédispositions naturelles, etc. Pour pouvoir comparer des figures – cercles – entre elles, il est nécessaire de standardiser les conditions, dans la mesure du possible. En ce sens, il est conseillé d’utiliser des sols de natures similaires – dur et mou – avec des surfaces planes et régulières.

Exemple : l’interprétation des données avec EQUISYM

EQUISYM mesure les déplacements verticaux de la tête et du tronc. Dans cette partie, nous allons nous concentrer sur ce dernier, représenté par deux capteurs : garrot et croupe. Lorsque le cheval se déplace, son tronc monte (phase de suspension) et descend (phase d’appui). Ce mouvement est représenté par des courbes sinusoïdales qui nous permettent de mesurer l’altitude minimale et maximale atteinte par le tronc ainsi que son amplitude. Les différences entre les déplacements verticaux liés aux membres gauches et droits sont quantifiées grâce aux indices affichés en pourcentage. Ces derniers s’étendent de -100% à +100% ; 0% étant considéré comme une symétrie parfaite entre les mouvements réalisés par les membres gauches et droits. L’indice va donc se déplacer vers le “défaut” de symétrie, soit défaut gauche [-100% ; 0%[ et défaut droit ]0% ; +100%], respectivement les zones roses et bleues.

a. Introduction aux courbes et indices EQUISYM sur un cercle

Les courbes EQUISYM présentées dans cet article sont supposées parfaites pour des résultats de condition en cercle. L’analyse se fera sur les données des capteurs garrot et croupe ; l’analyse des mouvements de la tête étant elle-même très complexe.

Dans les premières parties, le constat suivant a pu être fait : le cercle induit naturellement des asymétries, avec une descente plus marquée du garrot et de la coupe vers le membre extérieur. Les différences de mise en charge induites par la figure – cercle – impliquent des asymétries physiologiques qu’il faudra différencier des cas pathologiques dont les données observées seront beaucoup plus extrêmes.

Autrement dit, lors de l’appui sur les membres externes, la descente du tronc est plus importante. Les minimums atteints sur les courbes seront plus bas. Ci-contre une première illustration :

equisym

En cercle, l’altitude minimale atteinte par le garrot et la croupe lors de l’appui sur les membres externes est donc physiologiquement plus basse que celle atteinte lors de l’appui sur les membres internes. Sur les courbes EQUISYM, cela va se traduire par un minimum plus bas pour le membre externe au cercle. Et sur les indices, le minimum se déplacera vers le membre intérieur au cercle. À l’inverse, en fin de phase de propulsion sur le membre interne, l’altitude maximale atteinte par le tronc est égale voire supérieure à celle du membre externe. Sur les courbes EQUISYM, nous allons observer un maximum égal ou supérieur pour le membre intérieur au cercle soit une propulsion verticale symétrique sur les deux membres ou défaut de propulsion verticale du côté extérieur.

En conséquence, les amplitudes d’élévation sont légèrement plus faibles ou similaires pour le membre interne au cercle. Nous observerons un défaut d’amplitude d’élévation pour le membre intérieur ou amplitude d’élévation symétrique. Ce premier cas est une analyse assez générale des résultats EQUISYM pour une locomotion “standard” sur un cercle. Pourtant, en étudiant plus précisément les résultats obtenus sur un grand nombre de chevaux*, deux comportements se distinguent pour le garrot et la croupe, à chaque main.

*Échantillon composé de chevaux considérés par des cliniciens séniors : sains, boiteux antérieur droit ou gauche, ou, boiteux postérieur droit ou gauche. Sur cette base, 236 chevaux ont été évalués sur le cercle à main droite et 232 chevaux sur le cercle à main gauche.

b. Différenciation des capteurs garrot et croupe

Dans l’hypothèse d’un cheval parfaitement symétrique qui réalise un cercle de même rayon régulier et à une vitesse constante, sa locomotion est inversement proportionnelle d’une main à une autre.

Pour l’analyse des courbes et indices sur le cercle, la notion de référence va être : minimum d’altitude atteint après mise en charge sur le membre extérieur au cercle plus bas que lors de l’amortissement sur le membre intérieur.

Généralement, au niveau du garrot, l’amplitude d’élévation est symétrique (indice Amplitude à 0%) et donc, l’altitude maximum compense l’altitude minimale. Autrement dit, l’altitude maximale atteinte par le garrot est plus importante après propulsion sur l’antérieur intérieur au cercle. L’indice «Maximum» se déplace du côté opposé à l’indice «Minimum». 

Concernant la croupe, c’est l’altitude maximale atteinte après propulsion verticale sur les postérieurs qui est symétrique (indice Maximum à 0%). L’amplitude d’élévation est donc plus faible après propulsion verticale sur le postérieur intérieur au cercle. L’indice «Amplitude» se déplace du côté opposé à l’indice «Minimum».

Conclusion

L’exercice circulaire est fréquemment utilisé à l’entraînement, lors de compétitions mais également lors d’examens locomoteurs. Cette figure entraine des modifications dans la locomotion, induites en partie par les forces latérales qu’elle exerce sur le cheval.

Ces modifications sont à l’origine d’asymétries, mais il est encore difficile d’établir si ces dernières sont liées à la douleur, à des anomalies mécaniques ou à une variation normale. D’autres études sont nécessaires pour lever cette incertitude, et pourraient avoir d’importantes répercussions sur le bien-être. (Rhodin and al.) 

Les outils de quantification de la locomotion vont être de véritables supports pour la recherche, en collectant de nombreuses données objectives, permettant une analyse et une interprétation plus poussé de la locomotion en cercle. A terme, il pourrait même être possible de quantifier les impacts de cette figure sur les os et les articulations.

SOURCES :

Logan, A.A., Nielsen, B.D., Robison, C.I., Hallock, D.B., Manfredi, J.M., Hiney, K.M., Buskirk, D.D. and Popovich, J.M. (2021). Impact of Gait and Diameter during Circular Exercise on Front Hoof Area, Vertical Force, and Pressure in Mature Horses. Animals, [online] 11(12), p.3581. doi:10.3390/ani11123581.

Hardeman, A.M., Serra Bragança, F.M., Swagemakers, J.H., Weeren, P.R. and Roepstorff, L. (2019). Variation in gait parameters used for objective lameness assessment in sound horses at the trot on the straight line and the lunge. Equine Veterinary Journal, 51(6), pp.831–839. doi:10.1111/evj.13075.

‌Roepstorff, C., Dittmann, M.T., Arpagaus, S., Serra Bragança, F.M., Hardeman, A., Persson-Sjödin, E., Roepstorff, L., Gmel, A.I. and Weishaupt, M.A. (2021). Reliable and clinically applicable gait event classification using upper body motion in walking and trotting horses. Journal of Biomechanics, 114, p.110146. doi:10.1016/j.jbiomech.2020.110146.

Mots-clés : Analyse de la locomotion en cercle, EnvA, CIRALE, vétérinaires équins, quantification de la locomotion, locomotion équine, boiterie équine