Home 9 Interview 9 Mener des projets de recherche avec un outil de quantification – Claire MACAIRE

Ces dernières années, les innovations technologiques sont apparues dans le milieu de la santé équine. Comme dans les autres domaines, ces outils offrent de nombreuses opportunités, notamment pour mener à bien des projets de recherche.

Nous avons eu le plaisir d’échanger avec Claire MACAIRE, diplômée d’un master en biomécanique et bio-ingénierie, qui travaille quotidiennement avec EQUISYM, un outil de quantification de la locomotion, dans le cadre de sa thèse

Pouvez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Claire Macaire, j’ai suivi une formation de vétérinaire à Liège que j’ai poursuivi par un master en biomécanique et bio-ingénierie à l’UTC. J’ai ensuite rejoint LIM France, pour travailler sur le projet EQUISYM, dans le cadre de ma thèse.  

Qu’est-ce qui a motivé votre travail scientifique ? 

Lors de mes études et stages vétérinaires, j’ai vite remarqué que j’étais moins attirée par la pratique en cabinet. Finalement, ce que je souhaitais c’était me rapprocher des mathématiques et de la recherche. Les spécialités que j’appréciais beaucoup étaient la locomotion et le cardiovasculaire. Je me suis donc tournée assez naturellement vers la biomécanique, qui rassemble ces deux domaines. De là est venue mon envie de faire de la recherche, afin d’essayer de mieux comprendre ces sujets !

Quel est votre rapport à EQUISYM ?

Les recherches concernant les boiteries m’ont toujours beaucoup intéressées. C’est exactement mon domaine de prédilection, et donc travailler sur EQUISYM était une super opportunité pour moi. Aujourd’hui je fais ma thèse pour la validation scientifique de cet outil ; l’objectif étant de vérifier la concordance entre les résultats d’EQUISYM et le diagnostic des vétérinaires.

1. Les outils de quantification de la locomotion dans les projets de recherche

Que pensez-vous de l’intégration des systèmes de quantification dans les formations vétérinaires et les cliniques ?

Concernant les formations, je n’ai aucun doute sur les bénéfices liés à l’utilisation de ce type d’outil. C’est vraiment un bon moyen pour mieux comprendre et analyser les boiteries du cheval. Comme les différentes étapes de locomotion du cheval s’enchaînent de manière très rapide, cela rend les boiteries vraiment complexes à décrire, visualiser et interpréter. Durant la formation vétérinaire, ce n’est pas évident de réussir à voir en pratique les phénomènes que nous apprenons en théorie. Finalement, les outils de quantification de la locomotion rendent les boiteries beaucoup plus imagées.

De plus, c’est vraiment un excellent support d’auto-apprentissage pour un jeune vétérinaire, qui n’a pas forcément encore l’expérience pour reconnaître tous types de boiteries (notamment fines et complexes). Ces outils permettront de continuer à apprendre, à visualiser et interpréter les boiteries, pour comprendre ce qu’il se passe réellement – Où la boiterie est-elle située ? – En résumé : faire un lien entre ce qu’il y a et ce qu’il faut voir. 

Concernant le deuxième point – l’intégration de ces systèmes dans les cliniques – on retrouve les mêmes bénéfices. Par exemple EQUISYM, qui est simple d’utilisation, permet aux jeunes vétérinaires ou aux nouveaux vétérinaires intégrant une clinique, de s’auto-former. Aussi bien pour des grosses cliniques qui souhaitent aller au bout de la démarche, que pour de plus petites cliniques qui ne sont pas spécialisées dans ce domaine et qui donc, n’ont pas forcément la même expérience de diagnostic des boiteries. Ces outils vont supporter l’analyse du vétérinaire, conforter son diagnostic en cas de doutes, et permettre un apport et un renouvellement des connaissances/compétences.

Pour vous, quelle est la place de ce type d’outil dans la recherche clinique ? Quelles opportunités/possibilités ces technologies apportent-elles ?

Pour moi, ces systèmes ont une place très importante, puisqu’ils vont permettre de standardiser les données. On va alors pouvoir connaître l’asymétrie exacte du cheval dans les études, et ainsi comparer différentes études entres-elles, pour pouvoir aller plus loin dans leur interprétation. Jusqu’à très récemment, la réalisation d’études était plus complexe, car en partant d’une analyse subjective de l’asymétrie, il était nécessaire d’impliquer de nombreux experts pour pouvoir rendre les résultats plus précis. 

Ces outils amènent une véritable mesure de standardisation, permettant de suivre l’évolution des études cliniques, l’amélioration ou non de la locomotion des chevaux sportifs avec l’entraînement, tout en ayant exactement les mêmes seuils pour chaque praticien, chercheur, cheval,…

Comment intégrez-vous EQUISYM dans votre routine quotidienne ?

Lorsque le projet EQUISYM a été lancé, une personne dédiée à la collecte des données installait le système lors de tous les examens locomoteurs au CIRALE. Cela m’a permis d’avoir une très bonne base de données dès le début de mon travail. À l’heure actuelle, j’interprète toutes ces données, et j’analyse les corrélations entre les comptes rendus des vétérinaires et les résultats EQUISYM. 

Il y a également d’autres personnes qui récoltent des données sur un grand nombre de chevaux au travail, donc considérés comme plus ou moins “sains”, ce qui nous permet de travailler sur les futures améliorations du produit. Dans ces cas-là, nous n’avons pas de compte-rendu vétérinaire, mais grâce à la fonctionnalité de synchronisation de la vidéo avec les données, nous avons la chance de pouvoir tout de même avoir un avis vétérinaire basé sur leur relecture vidéo.  

À long terme, l’objectif est que les vétérinaires l’utilisent quotidiennement pour pouvoir augmenter le nombre de données, et agrandir notre base de connaissance.

Pour vous, quel est le vrai plus d’EQUISYM ?

La fonctionnalité de lecture synchronisée des courbes avec la vidéo qui permet d’avoir un véritable recul sur le cas. À ce jour, cette fonctionnalité, qui n’existe dans aucun autre système, offre des avantages aussi bien pour la recherche que pour l’interprétation terrain : permettre une relecture intelligente, conforter le diagnostic, décortiquer la démarche du cheval, tout ça possible même à postériori…

Avez-vous une anecdote ou un exemple concret qui vous a marqué avec EQUISYM ?

J’ai vu un cas assez intéressant : l’examen locomoteur d’un cheval qui était présenté pour une boiterie antérieure. En réalité, il s’agissait d’une boiterie postérieure, fine et complexe, et donc pas forcément visible. Le système EQUISYM indiquait cependant une forte asymétrie sur le postérieur, ce qui a permis aux vétérinaires d’investiguer plus en profondeur, et de trouver des lésions postérieures.

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2. L’avenir de la recherche équine

Quel est votre point de vue sur l’avenir de la recherche et de la formation équine ?

J’espère que ces outils vont pouvoir nous aider à trouver des liens avec certaines lésions, avec toujours comme objectif de supporter et orienter le diagnostic des vétérinaires sur le terrain. Le métier de vétérinaire est très complexe, notamment du fait des nombreux sous domaines à connaître, et des éléments à analyser et à investiguer pour pouvoir établir un diagnostic. Grâce à ces technologies, les recherches réalisées par les cliniques et centres spécialisés en locomotion peuvent apporter des éléments indispensables aux vétérinaires terrains ! Leur permettant une détection plus aisée de la zone concernée car ils ont parfois plusieurs dizaines de cas locomoteurs par mois.

Ces outils vont aussi permettre de mesurer l’efficacité des traitements, d’étudier l’évolution du cheval grâce à un suivi longitudinal – demandant cependant un suivi plus poussé – mais également analyser les facteurs favorisant le développement de boiterie.

Selon vous, quels sont les principaux défis pour la collecte de données dans la recherche équine ?

Plusieurs grands défis sont encore à relever pour optimiser les résultats des recherches équines, principalement concernant la collecte des données à grande échelle et leur anonymisation. Évidemment, l’arrivée des nouvelles technologies dans le monde de la santé équine est en elle-même un défi ! Il y a un travail très important à faire sur l’interprétation des données, en allant encore plus loin dans la recherche, pour donner aux vétérinaires les supports nécessaires à la compréhension des différents phénomènes biomécaniques. Notre objectif est de donner des informations scientifiques, sur les différents apports de ces outils, pour que les vétérinaires et les étudiants soient convaincus de l’intérêt de ces technologies. Ces deux défis vont de pair, puisque l’introduction de ces systèmes dans le quotidien des vétérinaires équins va permettre d’élargir les bases de données. 

C’est un travail pour normaliser l’utilisation de ces outils. J’ai plusieurs exemples en tête qui permettent une comparaison assez rapide. Notamment à travers le cas des anesthésies gazeuses, qui comportent moins de risques pour les petits animaux que certains cocktails de produits injectables, mais qui sont plus complexes à mettre en place car nouveaux. Pourtant, ce type d’anesthésie se pratique de plus en plus aujourd’hui, et c’est un outil qui a fait ses preuves !

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