Lorsqu’un cheval se déplace, ses membres effectuent un mouvement cyclique en deux phases : la phase d’appui (amortissement – support – propulsion) & la phase de soutien (ramener – suspension – embrassé). Plusieurs facteurs peuvent influencer et modifier sa foulée comme la conformation anatomique (race, sabots, aplombs) ou encore la nature du sol (dur ou mou).
Aujourd’hui, la grande majorité des chevaux sont plus confortables sur sol mou, améliorant la propulsion, l’absorption des chocs, et rendant sa locomotion plus légère. Mais quelle influence le sol a-t-il sur les mouvements du cheval ? Est-il possible de quantifier les variations de locomotion ?
Nature du sol et caractéristiques
Afin d’analyser l’impact du sol sur la locomotion du cheval, il est essentiel de comprendre comment ce dernier est composé. Les pistes et carrières sont constituées d’une couche superficielle appelée couche de travail offrant, grâce à sa souplesse, une liberté de mouvement au pied du cheval. Vient s’ajouter ensuite la couche de fondation, plus ferme, permettant la portance et le drainage de la couche de travail.
Le programme de recherche intitulé « Sequisol » (Sécurité – Équidés – Sol), réalisé avec un protocole expérimental complet qui combine des mesures dynamométriques, accélérométriques et cinématiques a permis de caractériser les effets des sols équestres sur l’appareil locomoteur et la locomotion de chevaux de course et de sport, dans des conditions réelles d’entraînement. Les premiers résultats au galop confirment le caractère amortissant des pistes en sable fibré-huilé. Les formations anatomiques (os, tendons, articulations) de la partie distale du membre antérieur sont donc moins sollicitées sur ce type de piste que sur une piste traditionnelle en gazon, en particulier au cours de la phase d’amortissement. Cet effet est principalement dû à la plus grande déformation du sol.
Effet biomécanique du type de sol sur la locomotion équine
De manière générale, le sol a un impact sur la locomotion du cheval, qu’il soit sain ou boiteux. Il paraît donc essentiel, dans un premier temps, de comprendre comment il influence les déplacements d’un cheval considéré comme sain.
1.Effets biomécaniques du sol
Les effets biomécaniques des sols sur l’appareil locomoteur du cheval évoluent au cours de la phase d’appui. Le mouvement est décomposé en six périodes (Denoix and al. 2016) : l’impact qui fait suite au poser, suivi par le freinage, puis l’extension des articulations intermédiaires, succédé par la mise en charge verticale maximale pour aboutir sur la propulsion et ainsi le décollement des talons qui, lui, précède le lever. Le choc de l’impact est dû majoritairement à la préparation de la surface, d’où l’importance de herser une piste car cela réduit de manière considérable la puissance du choc. Ce choc, plus ou moins fort, permet de juger de la fermeté « superficielle » de la piste. En effet, qu’importe la piste, en sable, en terre ou en machefer, le choc de l’impact est divisé par 2 à 3 après hersage.
Au galop, lorsque l’on compare trois épaisseurs de couche de travail, l’impact du choc augmente sur une épaisseur de couche allant de de 7cm à 13cm. Néanmoins, l’impact du choc ne décroît pas de façon significative sur des épaisseurs de couche allant de 13cm à 20cm. Par conséquent, l’épaisseur de la couche de travail n’a d’effet que lorsqu’elle est en dessous de 13cm. Pour aller plus loin, des pistes dont la fermeté « en profondeur » est différente, peuvent donner des résultats en termes de choc d’impacts, similaires.
À l’allure du trot, la décélération au niveau du sabot est 23 fois plus importante sur la route que sur une piste en sable fibrée et les vibrations perçues au niveau du pied ont une fréquence de l’ordre 600 Hz sur la route contre 41 Hz pour la piste.
2. Sol dur / sol mou : quels effets ?
Les chevaux sont des êtres dotés d’une grande sensibilité au niveau des tendons et des articulations. Certains se sentiront ainsi plus à l’aise sur des sols durs – tels que les chevaux ayant des tendons sensibles – ce type de sol facilitant leur locomotion. Au contraire, d’autres chevaux auront un déplacement plus fluide sur des sols mous, c’est le cas notamment des chevaux ayant des problèmes articulaires.
Aujourd’hui, grâce aux outils de quantification de la locomotion, il est possible d’évaluer objectivement les modifications de locomotion induites par la nature du sol. Le visuel ci-dessous montre la comparaison des indices d’asymétrie d’Arion – cheval participant régulièrement à des compétitions de saut d’obstacles et considéré comme sain – en ligne droite, sol dur / sol mou.
Interprétation des résultats EQUISYM d’Arion :
– Au niveau du garrot, l’amplitude d’élévation reste identique sur sol mou et sur sol dur, avec un très léger défaut d’asymétrie de l’antérieur gauche (-2%).
– Au niveau de la croupe, la locomotion d’Arion se dégrade légèrement sur sol mou avec une accentuation du défaut d’asymétrie postérieur droit, passant de 5% à 7%.
– De manière générale, Arion a un léger défaut d’asymétrie locomotrice du diagonal gauche, sensiblement plus marqué au niveau du postérieur droit. Le type de surface n’impacte pas de manière significative la locomotion d’Arion.
Sur ce visuel, la locomotion en ligne droite sol dur est représentée par les courbes et indices verts et
la locomotion en ligne droite sol mou est représentée par les courbes et indices bleus.
Pour des chevaux légers, ayant un bon équilibre, l’état du terrain à une importance minime. Néanmoins, d’autres facteurs sont importants : le niveau du cavalier ainsi que l’ajustement de la selle mais aussi le parage, le ferrage et les éventuels problèmes ostéo-articulaires…
Impact du type de sol sur les lésions locomotrices
En règle générale, l’asymétrie s’intensifie lorsque le pied est à l’appui. Visuellement, le cheval lève son encolure lorsqu’il met son poids sur le membre pathologique, et la baisse lors de l’appui du pied non boiteux. Le cercle à main droite aura tendance à augmenter l’asymétrie d’un cheval souffrant d’une pathologie de l’antérieur droit.
Comme abordé plus tôt, un travail trop intensif ou un travail sur terrain non adapté sont les causes de boiteries les plus fréquentes. Les sols durs augmentent les risques d’usure prématurée des articulations distales, pouvant être la cause de pathologies articulaires (jusqu’aux genoux et aux jarrets) et podales. Sur ce type de sol, le travail à parfois tendance à fatiguer les articulations. Cependant, l’exercice du cercle sur sol dur permet de révéler la boiterie ostéoarticulaire, dues aux efforts intenses et/ou répétés au niveau des articulations.
D’autre part, les sols trop profonds ont tendance à solliciter davantage les tendons, en rendant moins d’énergie aux membres lors de l’impact. L’appareil musculo-tendineux est donc sollicité de manière plus importante. Les exercices à répétition sur ce type de sol peuvent entraîner des pathologies tendineuses ou ligamentaires (tendinite ou entorse).
En conclusion, si un sol trop dur sollicite de manière excessive les articulations, un sol trop profond aura quant à lui un effet néfaste sur les tendons.
Conclusion
L’étude du sol est un élément important afin de prévenir les boiteries équines. Il a d’ailleurs été prouvé, chez l’humain, qu’il existait une relation entre l’apparition de blessures chroniques – de l’appareil locomoteur – et l’exposition répétée à des chocs.
Chez le cheval, le sol idéal, convenant à toutes les situations et à tout type de chevaux n’existe pas. Chaque type de sol, de par les matériaux utilisés ou encore la manière dont il est entretenu, correspondra mieux à une certaine discipline ou à un certain besoin, comme la réhabilitation d’affections de l’appareil locomoteur. Il reste tout de même important de travailler un cheval sur des surfaces variées afin de tirer le maximum de bienfaits de chacune.
SOURCES :
Crevier-Denoix, N., Chateau, H., Munoz-Nates, F., Ravary-Plumioen, B., Camus, M., Falala, S., Denoix, J.-M. and Pourcelot, P. (n.d.). [online] Available at: https://www.vet-alfort.fr/images/enva/recherche/unites-de-recherche/BPLC/r1959_9_equidee-article1-decembre16.pdf [Accessed 21 Nov. 2022].
Ifce.fr. (2022). [online] Available at: https://equipedia.ifce.fr/sante-et-bien-etre-animal/maladies/appareil-locomoteur/effet-biomecanique-des-sols [Accessed 21 Nov. 2022].je
Mots-clés: impact du sol, lésion locomotrice, locomotion équine, physiologie équine, EnvA, CIRALE