Nous avons eu la chance d’interviewer le docteur Laurent Mangold, vétérinaire équin, sur son utilisation d’EQUISYM. Découvrez, à travers cet échange enrichissant entre le Dr. Mangold et Marjorie Covarel, cavalière de CSO, comment ces nouvelles technologies s’intègrent parfaitement dans la pratique vétérinaire.
Pouvez-vous vous présenter s’il vous plaît ?
Je suis Laurent Mangold, vétérinaire en Haute-Savoie, à la clinique d’Argonay. J’ai un historique un peu particulier parce que je fais partie de ces générations où la spécialisation telle qu’on l’entend aujourd’hui n’existait pas. Je suis donc à la base généraliste équin et tout d’abord passionné de gynécologie. Petit à petit ma pratique généraliste m’a amené vers l’orthopédie et la chirurgie. Aujourd’hui, je fais de la gynécologie, de l’orthopédie et de la chirurgie – tissus mous, surtout des chirurgies de coliques.
Qu’est-ce qui vous motive le plus dans votre activité quotidienne ?
Dans mon activité quotidienne, ce qui me motive le plus, c’est la proximité avec mes clients. Faire partie intégrante de l’équipe sportive, c’est-à-dire d’être plutôt en amont et arriver à réfléchir avec eux sur le travail de fond. C’est aussi participer à l’éducation du cheval d’un point de vue sportif pour qu’on arrive à avoir, à terme, le moins de soins possibles et le plus d’anticipation possible par rapport à leur santé.
Quels enjeux et objectifs vous ont conduit à investir dans une solution telle qu’EQUISYM ?
J’ai entendu parler d’Arioneo et d’EQUISYM par hasard. La médecine connectée était en train de monter en puissance, et au début je voyais ça d’un œil assez dubitatif. Je pensais que les gens allaient devenir des geeks de la médecine connectée sans bien maîtriser les bases de l’examen clinique.
Nos générations ont commencé à travailler, il n’y avait pas de médecine connectée, il y avait à peine des radios et de pauvres échographes. On a d’abord développé un sens clinique et j’avais peur que ces technologies gomment un petit peu les qualités d’examen clinique et d’analyse qui sont essentielles chez un vétérinaire.
J’étais curieux donc je suis allé voir et ce que j’ai découvert m’a conquis. Je me suis dit qu’avec un vrai sens clinique, cela allait me permettre de progresser encore, même avec 30 ans d’expérience. C’est un outil qui est vraiment un progrès pour l’examen clinique du vétérinaire.
Comment utilisez-vous le système au quotidien ?
Ça fait maintenant quelques mois que nous avons EQUISYM à la clinique. Je l’utilise plutôt sur des chevaux d’assez haut niveau ou avec un encadrement de cavalier qui est assez ouvert. Je m’en sers plutôt pour quantifier ce que je remarque comme anomalie locomotrice, comme dissymétrie, plutôt que comme outil de détection.
Pour la détection, l’intelligence artificielle ne va pas remplacer le vétérinaire et son œil. Par exemple, il y a des chevaux qui sont pour nous quasiment normaux alors qu’EQUISYM arrive à détecter une anomalie. Mais derrière il y a besoin d’une vraie interprétation des données, et ça, ça va rassurer le clinicien, et non le remplacer.
Je l’utilise pour suivre des chevaux en longitudinal, c’est-à-dire qu’après l’examen initial on va réexaminer le cheval en lui mettant les capteurs. D’un point de vue quantitatif, cela va nous permettre de voir ce que la thérapeutique ou la modification du travail à apporter à la locomotion de l’animal. C’est plutôt dans ce sens là que je l’’utilise.
J’ai certains clients qui commencent à nous solliciter pour se rassurer eux mêmes, ou pour découvrir la locomotion de leurs chevaux. On est tous pareils, avec parfois des hauts et des bas, un jour pessimiste, l’autre optimiste.. mais à cheval c’est pire que tout, puisque c’est une éponge. EQUISYM ça permet de rassurer l’entourage du cheval et clore le débat. Et ça permet aussi de détecter des petites anomalies, des zones débutantes, et d’essayer d’anticiper l’apparition – et l’aggravation – de lésions.
Lors d’analyse d’anomalies locomotrices, d’un opérateur à l’autre, on a pas tous la même échelle de gradations. Alors qu’EQUISYM, quel que soit le cheval, son échelle de gradation est toujours la même. Pour une clinique comme la nôtre, où on est plusieurs praticiens à travailler, le fait d’avoir un outil qui a la même échelle de valeurs et d’évaluation c’est un vrai avantage. Le véto qui a fait l’examen initial n’a pas besoin d’être le même véto qui va faire l’examen longitudinal pour voir l’évolution. C’est la machine qui va le quantifier.
Comment EQUISYM vous a-t-il aidé ? Pourriez-vous nous donner un ou plusieurs cas concrets ?
J’ai une anecdote en tête, à propos d’une visite d’achat. Bien souvent dans ce genre de transaction, lorsque nous détectons une anomalie, on se heurte à deux problématiques : le vendeur, qui n’a pas forcément envie de la voir, et l’acheteur qui lui non plus n’a pas envie de la voir, parce qu’il est déjà amoureux du cheval.
Je me suis servi d’EQUISYM à cette occasion là pour objectiver ce que j’avais vu et que personne ne voulait entendre. Nous avons équipé le cheval avec les capteurs, et ça a confirmé l’analyse de la locomotion qui avait été faite. Ça a permis d’apaiser le discours avec tout le monde, car ce n’était plus le vétérinaire qui était le juge de paix et qui tranchait sur une transaction financière, c’était un appareil qui quantifie une anomalie.
Ça n’a pas annulé la vente, mais au contraire ça a rassuré tout le monde, en quantifiant les défauts qu’il avait. Le cheval était quand même vendu, et nous avons pu mettre en place un plan de traitement directement, et aujourd’hui tout se passe pour le mieux. Quand l’acquéreur a acheté le cheval, il en avait une image globale du cheval, y compris des anomalies. Et il l’a acheté parce qu’on a pu les quantifier.
Comment voyez-vous le futur du secteur de la santé équine ? Les vétérinaires de demain ?
La technologie est au service de la médecine, ça c’est clair.
Aujourd’hui les jeunes vétérinaires sont très bien équipés, ils maîtrisent l’imagerie, l’échographie, la radiographie, l’IRM, le scanner… mais le sens clinique reste quand même la base de tout. Parce que si on se limite uniquement à l’interprétation des courbes.. on peut leur faire dire tout ce qu’on veut, si on ne les relie pas à une anomalie lésionelle clinique ou encore à un défaut locomoteur.
On a tous connu des chevaux performants à très très haut niveau, qui avaient des anomalies locomotrices ou des dissymétries qui finalement étaient sans inflammation et sans douleur avérée.
Je crois qu’il faut rester très humble par rapport à la collecte de toutes ces données, il faut prendre du recul et c’est rassurant, car il y aura toujours besoin d’un cerveau qui analyse les données collectées !
Nous n’allons pas être pas forcément capable d’être répétable sur l’interprétation que nous pouvons en faire. Par exemple, un cheval boiteux, en fonction des journées, je vais le noter 2/5 ou 3,5/5 alors qu’en fait c’est la même boiterie. Et la médecine connectée matérialise de manière chiffrée des anomalies que nous voyons ou ressentons. Pouvoir quantifier exactement ce qui se passe de manière objective, ça c’est un vrai outil. Mais ça ne remplace pas ce que je vois : la manière dont le cheval boite, comment il pose ses membres, la trajectoire du cheval, du membre, du boulet,… c’est vraiment un complément.
Il faut être capable de remplacer le système. Par exemple, lors d’une chirurgie, si la machine qui monitore l’anesthésie tombe en panne, on va ressortir le stéthoscope et le thermomètre pour sentir le pouls et continuer à analyser les données. EQUISYM c’est un outil, une vraie aide qui nous permet de gagner du temps mais qui va nous obliger à monter en technicité et en analyse intellectuelle.
Le mot de Marjorie COVARIEL, la cavalière
Je suis cavalière professionnelle depuis 22 ans. J’ai connu EQUISYM avec le cas de Vincento, un étalon de quatorze ans que j’ai depuis ses cinq ans. C’était un cas de boiterie, ou plutôt un défaut de travail assez subtil, sans réelle boiterie. Grâce à EQUISYM nous avons pu savoir d’où venait le problème, à quel endroit exactement, et donc nous avons pu traiter cette pathologie qui était cachée.
Aujourd’hui vous avez vu Imberley, une jument qui fait du Grand Prix 2*, pour un check-up. L’idée est de savoir un peu dans quel état physique elle est, puisqu’elle a une petite asymétrie musculaire et qu’elle va recommencer la saison de concours au mois de février. Pour avoir toutes les cartes en main et connaître les points d’attentions, savoir vraiment ce qu’il faut travailler, ou ce qu’il faut soigner. EQUISYM est vraiment là pour mettre en relation ce que le vétérinaire voit et ce que nous ressentons en tant que cavalier. Cela permet une collaboration entre les soins apportés par le vétérinaire et notre manière de travailler la jument, pour améliorer sa locomotion, et donc stabiliser ses performances. À ce niveau là tout est important
En tant que cavalier c’est vraiment intéressant d’avoir les données d’EQUISYM, parce qu’on passe du subjectif à l’objectif, entre ce que nous ressentons et la réalité. Souvent, les chevaux nous trompent, en essayant d’arranger les choses pour nous faire plaisir.. Ils serrent les dents et dans certains cas c’est assez difficile de faire la part des choses entre ce que nous ressentons, la réalité sous la selle et en même temps le vétérinaire qui ne le voit qu’à un instant T. Potentiellement sur une journée où le cheval est plus en forme, en fonction du travail de la veille,…. En résumé, on enlève tout ce qui est subjectif et on a des données réelles.