Nous avons eu la chance d’échanger avec le professeur Henry CHATEAU au sujet de l’évolution des systèmes de quantification de la locomotion équine. Découvrez, à travers l’exemple d’EQUISYM, comment ces innovations ont un impact sur la recherche clinique et la formation vétérinaire.
Pouvez-vous vous présenter ?
Je suis enseignant en anatomie, directeur des formations à l’école vétérinaire d’Alfort et chercheur en biomécanique chez le cheval. A ce titre, j’ai participé au développement du système EQUISYM, en lien avec les cliniciens du CIRALE-EnvA.
Comment EQUISYM participe-t-il au développement des connaissances vétérinaires ?
Le système EQUISYM contribue à créer et diffuser les connaissances dans le domaine de la prise en charge des boiteries chez le cheval. A ce titre, il nous est utile pour la recherche et pour l’enseignement.
1. EQUISYM, un outil de recherche
L’équipe de biomécanique et de pathologie locomotrice du cheval de l’EnvA travaille sur les problèmes locomoteurs du cheval depuis plus de 30 ans. L’objectif est de mieux comprendre le fonctionnement de l’appareil locomoteur. Ceci passe en particulier par la description des mouvements normaux et de leurs anomalies.
Les outils de recherche permettant de comprendre et de décrire ces situations sont le plus souvent des instruments très spécifiques et compliqués à mettre en œuvre (caméras de motion capture, plateforme de force, etc.). Ils nécessitent des experts en ingénierie. Contrairement à ces outils complexes, tout l’intérêt d’EQUISYM est de rendre la mesure de certains paramètres de la locomotion accessible à un plus grand nombre de personnes, qui ne sont pas forcément des chercheurs.
EQUISYM rend ainsi la mesure biomécanique abordable pour tous les vétérinaires. Tout en appuyant leur diagnostic, l’outil permet de sortir la mesure biomécanique du contexte trop restrictif du laboratoire de recherche pour l’amener sur le terrain. A moyen terme, ceci constitue une véritable opportunité car la mise en commun de tels résultats permet d’élargir les bases de données et d’optimiser les analyses et leur interprétation. Il est désormais possible de réaliser des études sur le terrain, à plus large échelle, avec un matériel standardisé, ce qui démultiplie la puissance des tests statistiques.
Aujourd’hui l’outil est utilisé quotidiennement au CIRALE comme aide au diagnostic des boiteries mais il est également utilisé pour des études de recherche clinique. Lors d’essais cliniques par exemple, l’outil est très efficace pour objectiver de façon quantitative l’évolution d’une boiterie avec des paramètres chiffrés. C’est une aide précieuse pour standardiser et comparer statistiquement les résultats obtenus sur des études cas-témoins.
2. EQUISYM, un outil de formation
Concernant le volet formation, l’apprentissage de ce qu’est une boiterie et de sa détection est un exercice long et complexe car les mouvements à percevoir sont subtils et réalisés à une vitesse relativement rapide. L’appréciation visuelle des boiteries est un acte qui demande beaucoup d’expérience. Pour pouvoir être pratiqué de manière autonome, il est important que l’œil s’y entraine.
D’un point de vue pédagogique, l’intérêt d’EQUISYM est de pouvoir expliquer graphiquement (notamment grâce aux courbes de déplacement vertical de la tête, du garrot et de la croupe) les zones d’intérêt et leurs déplacements normaux et anormaux. Grâce à la vidéo synchronisée aux données, il est possible de visualiser simultanément et à vitesse réduite, le cheval en mouvement et les courbes décrivant objectivement ce mouvement. Ceci est précieux pour, en premier lieu, comprendre puis, dans un deuxième temps, s’entrainer.
Pour se former, l’utilisation d’un tel outil à de nombreux avantages. Au début, cela permet de se rassurer en confrontant son avis subjectif à une donnée standardisée. Pour apprendre il est en effet important de pouvoir se reposer sur un référentiel, et ces outils permettent un apprentissage guidé par des données objectives.
Aujourd’hui EQUISYM est utilisé sur un grand nombre de chevaux au CIRALE. Chaque cheval est examiné avec un groupe d’étudiants, et lorsque les cliniciens expliquent le cas aux étudiants, les courbes peuvent être utilisées pour étudier et commenter les différents phénomènes observés.
Des modules d’e-learning qui se servent du système sont également en cours de développement. Pour apprendre à identifier une boiterie, il faut évidemment être confronté à des cas réels, mais pour être plus efficace sur le terrain, il est utile de s’entrainer en amont sur des cas caractéristiques enregistrés sous la forme de vidéos et reproduisant le scenario d’une mise en situation réelle. C’est le principe du module d’e-learning. Les étudiants peuvent ainsi s’entrainer à identifier et grader des boiteries. Les feedbacks apportés à leurs réponses peuvent être agrémentés de données objectives issues d’EQUISYM pour mieux les guider dans leurs apprentissages.
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