Les biais d’interprétation sont des erreurs de raisonnement qui affectent la prise de décision et l’évaluation des informations. Ces biais cognitifs peuvent être préjudiciables à la pratique de la médecine vétérinaire équine en entraînant des erreurs de diagnostic, une mauvaise prise en charge du patient et des problèmes dans la relation propriétaire-vétérinaire.
Quels sont les différents biais d’interprétation ? Comment les reconnaître ? Et comment les prévenir ?
Les biais cognitifs
Les biais cognitifs en médecine équine peuvent se manifester de différentes manières. La première est la confirmation d’une hypothèse préconçue. Lorsque le vétérinaire a une idée préconçue sur la cause d’une maladie, il pourrait alors être enclin à ne rechercher que les preuves qui confirment cette hypothèse, négligeant ainsi d’autres causes potentielles. Par exemple, si un cas de fourbure est récurrent chez une race en particulier, le vétérinaire pourrait être plus enclin à diagnostiquer une fourbure, et ainsi néglige d’autres hypothèses.
L’effet de disponibilité est lorsque le vétérinaire se base sur des informations facilement disponibles ou mémorisables pour évaluer une situation, plutôt que sur une analyse rigoureuse de toutes les informations pertinentes. La fréquence cardiaque étant un paramètre facile à mesurer, il peut représenter le seul symptôme analysé afin de poser un diagnostic, et donc négliger des possibles antécédents ou autres symptômes.
L’erreur de représentativité se rapproche de la confirmation d’une hypothèse préconçue. En effet, lorsque le vétérinaire se base sur des caractéristiques superficielles d’un cas pour en inférer des caractéristiques plus profondes, sans avoir une preuve solide à l’appui, il effectue un diagnostic non représentatif. Par exemple, le vétérinaire peut être enclin à attribuer une infection bactérienne à un cheval présentant une forte fièvre, simplement parce qu’il a vu de nombreux cas d’infections bactériennes présentant ce symptôme auparavant. Cependant, la fièvre peut être due à une variété d’autres causes, et il est important de faire des tests pour confirmer la présence d’une infection bactérienne.
Les biais d’attribution
Les biais d’attribution sont des erreurs courantes dans la pensée humaine qui peuvent affecter les jugements et les décisions en médecine équine. C’est en les reconnaissant et en les évitant que les jugements ne sont pas influencés.
Le biais de confirmation est la tendance à rechercher, interpréter et rappeler les informations de manière à confirmer ses propres croyances ou hypothèses. Ce biais est particulièrement courant dans les situations médicales, où les vétérinaires peuvent être enclins à interpréter les résultats des tests de manière à confirmer leur hypothèse diagnostique. Par exemple, si un vétérinaire soupçonne une maladie infectieuse chez un cheval, il peut être enclin à interpréter les résultats des tests de laboratoire de manière à confirmer ce diagnostic. Cela peut conduire à des erreurs de diagnostic et à des traitements inappropriés.
Le biais d’attribution fondamentale est la tendance à attribuer le comportement d’une personne à des caractéristiques intrinsèques plutôt qu’à des facteurs externes. En médecine équine, ce biais peut conduire à des erreurs de jugement sur la cause d’un comportement ou d’un symptôme chez un cheval. Si un cheval se comporte mal lors d’une séance d’entraînement, un entraîneur peut être enclin à attribuer ce comportement à une mauvaise attitude du cheval, plutôt qu’à une douleur ou une maladie qui pourrait être à l’origine du comportement.
Enfin, le biais de survie est la tendance à attribuer un poids excessif aux événements ou aux données qui ont survécu à une période de temps. En médecine équine, ce biais peut conduire à une surévaluation des traitements qui ont fonctionné dans le passé. Ainsi, si un vétérinaire a traité avec succès plusieurs cas de coliques chez les chevaux en utilisant un traitement spécifique, il peut être enclin à utiliser ce traitement pour tous les cas de coliques à l’avenir, sans penser à individualiser le traitement, parfois plus approprié pour certains cas.
La prévention par les nouvelles technologies
Il est important d’avoir une pratique basée sur des données objectives. Dans ce sens, les nouvelles technologies peuvent être utilisées afin de conforter des diagnostics et éviter les biais d’interprétation.
L’utilisation d’EQUISYM peut ainsi permettre d’exclure certains diagnostics. Sur le cas ci-dessous, l’utilisation d’un outil de quantification de la locomotion a permis de changer le diagnostic établi par l’œil nu dans un premier temps. Celui-ci étant erroné et influencé par un effet de disponibilité.
Cas pratique avec EQUISYM – Identifier une boiterie postérieure à l’oeil nu
Arion est venu passer un examen suite à une importante asymétrie locomotrice. Visuellement tout semblait indiquer une boiterie AD.
Les données suggèrent un défaut de locomotion du diagonal gauche avec :
- Défaut de déplacement vertical de la tête qui reste en suspension lors du posé de l’AD, ce qui, visuellement, conforte la boiterie AD.
- Fort défaut de mise en charge et de propulsion verticale PD avec un indice de +59%.
- Légère (-7%) asymétrie antérieure gauche.
Alors que visuellement tout semblait indiquer une boiterie AD, le vétérinaire d’Arion a pu identifier une asymétrie PD grâce à EQUISYM, avant de débuter les actes d’imagerie. Arion a été diagnostiqué avec un épaississement de la région proximale et de la branche médiale du suspenseur ainsi que des lésions sur les deux ligaments collatéraux du boulet.
La prévention des biais cognitifs en médecine équine nécessite une formation continue et une prise de conscience de leur existence. Les vétérinaires peuvent ainsi suivre des formations spécifiques sur les biais cognitifs et la prise de décision, ou être encouragés à participer à des groupes de discussion ou à des études de cas pour analyser leurs propres erreurs de raisonnement.
Conclusion
Les biais d’interprétation peuvent affecter les vétérinaires équins dans leur pratique quotidienne, conduisant à des erreurs de diagnostic et de traitement pour les chevaux. Il est important que les vétérinaires soient conscients de ces biais et soient prêts à remettre en question leurs hypothèses préexistantes, tout en se formant et en s’équipant afin de conforter ou contredire l’un de leur diagnostic.
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